June 11, 2023
I wrote this review of Gratuite du Credit back in 2007 or so, whilst living in New Zealand, for an website that has since disappeared, “bookine.org” The topic came up recently with a friend, and the host was kind enough to fish it for me :)
Adolescent gauchisant, par la suite jeune adulte AAA, non pas Ancien Alcoolique Anonyme (ceux qui ont de la bouteille LOL), quoique, mais Abstentionniste Anarcho-Apolitique, par le hasard des rencontres je me suis lié dernièrement d’amitié avec un membre des “instances” dirigeantes du parti Libertarianz. Plus connu dans les pays anglo-saxons qu’en France (quoique, vu de NZ du moins, ça ait l’air de changer un poil), cette mouvance prône ce qu’on pourrait qualifier grossièrement d’Anarcho Capitalisme (ne leur dites pas que je vous ai dit ça…). Pour une définition plus juste, ou en tous cas « reconnue par eux », je vous conseille Nolan comme point de départ. Pour en revenir aux faits, lors du soirée avec mes amis Libertarianz (y sont marrants avec leur T-shirts « Love Freedom, Fuck the State »), entre deux verres (ou plutôt vingt, la tendance « Bibinne » étant substanciellement représentée au sein de ce parti) et une Jam Session Velours-Souterraine, la discussion s’est tournée vers les auteurs Français ayant influencé ou combattu cette tendance, et notamment Bastiat et Proudhon. Et là, se rendre compte qu’un Kiwi connait mieux les auteurs Français qu’un Frenchy du cru (je suis né dans la même ville que Proudhon en plus), et ben ça fait mal au cul…Donc session rattrapage, d’où la lecture de la correspondance ici chroniquée.
Nous sommes en 1849, la révolution de Février et la nouvelle République ont vu naître un fleurissement de discours socialisants, parmi lesquels l’idée du crédit gratuit, prônée notamment par Proudhon, comme moyen miracle pour permettre aux masses de sortir de leur misère. Choqué par le succès de cette idée, selon lui non viable, Bastiat publie « Capital et Rente », afin de l’expliquer aux masses. En réponse à cette brochure, Chevé, rédacteur à la Voix du Peuple, dans une lettre ouverte à Bastiat, tente de démontrer que l’idée est viable, et que la réfutation de Bastiat ne démontre rien, si ce n’est une très légère différence d’interprétation entre les deux approches. Bastiat demande et obtient un droit de réponse. S’en suit un échange régulier (de décembre 49 à mars 50) et animé, pour lequel Proudhon a remplacé Chevé comme détracteur de Bastiat.
Le ton est acerbe, le but pédagogique, et la discussion vivante. En ce temps là, la presse politique(et le débat en général, j’imagine que les sessions parlementaires devaient être un peu plus amusantes que le mercredi après-midi sur FR3) était quand même un peu plus intéressante et fondamentale que nos langues de bois actuelles. L’économie politique, sous cette forme, est même divertissante à lire.
Alors que Bastiat tente adroitement de clarifier, souvent par l’exemple, son propos, Proudhon use et abuse de la rhétorique pour le contrecarrer. Si son intention globale est, ou se veut, noble, le résultat déçoit. Proudhon s’enfonce dans ses arguments confus, essaye lui aussi l’exemple mais avec un manque de rigueur à la limite du choquant, va jusqu’à utiliser la comptabilité (n’est pas un comble !) pour prouver la valeur de ses idées, ainsi rien n’y fait, Bastiat domine, en défense comme en attaque, le ballon circule, le jeu est fluide, au sol comme en l’air. Coup de sifflet, score à la mi-temps 1 - 0 pour Bastiat.
On recharge l’imprimante (tout ça est téléchargeable sur http://bastiat.org/fr/#oeuvre; bidouiller un peu l’URL pour l’intégrale, seules les deux premières lettres sont référencées dans l’index), et les joueurs reviennent sur le terrain.
La seconde partie ressemble à la première, et la pelouse se dégrade quelque peu, le jeu aussi ; à la 70eme minute, Proudhon se fend d’un pied levé (“Eh bien! je suis forcé, pour mettre à couvert votre intelligence et votre loyauté; de vous prouver, par A plus B, que vous ne savez pas le premier mot des choses dont vous avez entrepris de parler, ni du capital, ni de l’intérêt, ni du prix, ni de la valeur, ni de la circulation, ni de la finance, ni de toute l’économie politique, pas plus que de la métaphysique allemande. “) dans la surface de répartition (des richesses). Carton jaune et penalty, facilement transformé par Bastiat alors que Proudhon s’est emmêlé dans les filets. Vexé, il quitte le terrain (sans coup de boule au poitrail, mais avec ce mauvais mot : « Scientifiquement, Monsieur Bastiat, vous êtes un homme mort »). L’arbitre (la Voix du Peuple) étant quelque peu partial, le dernier but de Bastiat dans des cages vides n’est pas sifflé (sa dernière lettre, la 14eme, n’est pas publiée par le journal. Elle le sera par l’auteur, avec les treize autres.)
Score Final (non validé par la FFF, ni par la LCR), Trois Zéro pour Bastiat.
Sur ce point donc, le capitaliste libertaire écrase l’anarcho-syndicaliste. Proudhon se déchire en essayant de concilier socialisme et liberté (comme Bastiat, il veut moins voire pas d’Etat, mais n’a rien d’autre de viable que l’Etat à proposer pour mettre en pratique ses théories, les actions solidaires, volontaristes ou mutualistes qu’il entrevoit n’étant que peu susceptibles de fonctionner si le libre échange n’est pas interdit, et par qui le```markdown serait-il si ce n’est l’Etat? L’Etat comme moyen de diminuer l’importance de l’Etat, la réduction de liberté comme passerelle vers plus de liberté ; on tourne un peu en rond…) La thèse libertarienne est-elle pour autant la meilleure voie vers le bonheur de l’humanité ? Cela reste à prouver. Au final, plus de questions que de réponses (n’est-ce pas la définition d’une bonne lecture?).
Marx et Bastiat peuvent-ils tous deux avoir raison ? Que vient donc faire Keynes par la dessus ?
Dois-je renier mes copains Anarcho-syndicalistes ? Brûler mes CD de Brel et Renaud (Et tant qu’on y est Dylan et autres vilains Hippies) qui hantent ma discothèque ? Voter Fillas ? Commencer à économiser pour payer l’école à ma fille (ben quoi, l’éducation est une marchandise, non ?). Boycotter Charlie-Hebdo ? Court toujours mon gars, Maurice et Patapon je suis accro…
Vous conseiller de lire cette correspondance ? De regarder du foot Australien (private joke) ? Sûrement, allez-y, ça vaut largement un match de foot (soccer) et c’est moins cher.